Publié dans Les Echos, le 13 juillet 2022.
La
hausse des prix coutera déjà plus de 1000 euros par ménage en 2022. Si
l’inflation perdure, elle aura un deuxième effet moins visible mais qui pénalisera
l’activité : une « prime de risque » sera ajoutée pour tout
investisseur pour le protéger contre le risque de perte de valeur, ce qui réduira
le niveau d’investissement et donc l’activité. Les ménages seront également
touchés – en plus de la perte constatée sur leur pouvoir d’achat, ils devront
épargner plus pour se protéger contre le risque futur de perte de pouvoir
d’achat.
L’inflation
actuelle s’explique par un double choc. S’agissant de la demande, nous
avons moins consommé pendant le confinement, alors que les revenus étaient
protégés par les mesures de soutien. Cette capacité de consommation
s’exprime désormais alors que l’offre peine à suivre – les entreprises ont du
mal à trouver les salariés, les matières premières ou les composants pour
répondre à cette demande, dans un contexte aggravé par la hausse des prix de
l’énergie, le conflit en Ukraine et le confinement en Chine. En outre, comme le
souligne Charles Wyplosz, les hausses du bilan des banques centrales depuis la
crise financière créent un risque d’accélération supplémentaire du déséquilibre
offre/demande. Les banques n’ont pas encore exploité l’intégralité des
capacités de crédit qui en découlent. Si elles se mettent à le faire, les prix
accéléreront.
A
moyen terme, les outils existent pour éviter une inflation durable du coté des
banques centrales (hausse des taux) comme de celui des gouvernements (ciblage des
mesures en faveur du pouvoir d’achat, politique de concurrence,…). C’est plus
compliqué à court terme, car la hausse des prix traduit une tension entre une hausse
de la demande et une contrainte de l’offre, qui ne peut se résoudre à court
terme que par une réduction de la demande. L’enjeu principal sera donc de
définir qui devra in fine accepter de réduire sa consommation, et les « mesures
de pouvoir d’achat » ne pourront pas éliminer la hausse des prix mais
seulement choisir qui en payera le prix. Compte tenu des mesures
d’indexation en vigueur sur le SMIC ou annoncées sur les retraites, le choix
sera entre les revenus modestes (salariés et indépendants), les autres
salariés, les actionnaires (c'est-à-dire les ménages détenant des actions), les
usagers des services publics ou repousser le choix à demain via une hausse de
la dette. En effet, si les services publics n’entrent pas dans l’indice des
prix, tous les français constatent la « shrinkflation » (payer
autant, recevoir moins) qui touche ces services depuis des années – files
d’attente, pénurie de médecins, baisse de la qualité du système éducatif ou des
moyens de la recherche publique et de la défense nationale…
Ne
pas choisir conduira à faire durer plus longtemps l’inflation : les
salariés poursuivront leurs demandes de hausse de salaires, puis les
entreprises leurs demandes de hausse de prix (qui sont aussi le salaire des indépendants)
et ainsi de suite. Or l’inflation est comme un jeu de chaises musicales qui
nous touche deux fois : d’abord par le retrait d’une chaise (perte de
pouvoir d’achat initiale liée au choc d’offre), ensuite par la fatigue des
joueurs pour se passer de l’un à l’autre la chaise manquante (incertitude
induite par la perte de stabilité du niveau des prix). L’Etat ne peut pas créer
la chaise manquante – il peut juste éviter qu’elle ne pénalise ceux qui en ont
le plus besoin et faire en sorte que le jeu de chaises musicales cesse le plus
vite possible.
Mais
pour cela, il faut préciser qui payera le choc d’offre initial - tant que
chacun pensera faire payer les autres, le jeu de chaises musicales se
poursuivra, avec des effets négatifs sur l’investissement et l’épargne qui
accentueront davantage le problème initial.
Vincent
Champain est dirigeant d’entreprise et président de l’Observatoire du Long
Terme, think tank dédié aux enjeux de long terme.
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