mardi 16 janvier 2018

                                                         

Bonne année en perspective: le moral des chefs d’entreprise atteint des niveaux dépassés trois fois seulement dans l’histoire des statistiques (avant la crise de 2008, en 2000, en 1998 et la fin des années 80) et marqués par une croissance élevée. Pourtant la croissance attendue en 2018 (1,6 à 2%) est modeste et elle ne compensera pas une décennie anémique (0.8% de mi-2008 à mi-2018). Les créations d’emplois attendues à  mi-2018 (+72.000) dépasseront à peine l’augmentation du chômage toutes catégories au seul mois de juillet 2017 (+59.000). Comment aller plus vite ?

On manque encore de recul pour réellement juger de l’impact des réformes du Président Emmanuel Macron et du gouvernement d’Edouard Philippe. Mais un point est d’ores et déjà acquis : la réduction de « l’arbitraire juridique », ces lois inadaptées, répondant à l’urgence plus qu’à une analyse précise du problème, résultant d’une négociation politique laborieuse plus que d’une analyse factuelle. Ce faisant, la France a fortement réduit le coût pour une entreprise que représente le fait d’être soumis à des changements de règles aberrants (blocage des loyers, création du compte pénibilité, compte pénibilité,…). Ce coût est une sorte de « taxe de complexité ». C’est la pire des taxes : elle ampute emploi et pouvoir d’achat sans rien rapporter au budget ! Son niveau échappe aux débats parlementaires destinés à équilibrer les moyens donnés pour atteindre les objectifs du gouvernement et la limitation de la charge imposée aux français.

Or cette « taxe » est encore loin d’être abolie. Le fiasco du logiciel « admission post bac » rappelle qu’il ne suffit pas de dissimuler cette complexité dans un logiciel pour s’en débarrasser. Résistons aux éternelles listes de simplifications inspirées de modèles étrangers. Osons au contraire créer un modèle pour nos voisins avec la « mère des réformes » : mettons sous pression la taxe de complexité en publiant son niveau, comme celui des prélèvements obligatoires. Il est en effet facile d’estimer sur un panel les millions d’heures perdues par les entreprises et citoyens français à remplir leurs principales formalités.

Pour renforcer la croissance, il faut également positionner la France face aux opportunités de demain. Une chose est de communiquer sur des startups prometteuses ou des nouveaux investissements. Il est plus difficile d’assurer à tous l’accès aux outils qui assurent une croissance forte. Mais c’est la seule façon d’atteindre des résultats dépassant l’anecdote : dans l’histoire des statistiques macro-économiques la courbe de diffusion des technologies a toujours précédé celle de la productivité. Ce qu’il faut pour cela, ce n’est pas tant chercher à conforter des monopoles ou à créer « les champions d’une nation ». Il faut au contraire créer une « nation de champions » en diffusant au maximum les usages de la technologie. La réussite se mesurera au nombre de chartes signées et de conférences de presse dans le premier cas, et à l’évolution d’indicateurs d’accès, d’usage et de développement sur des technologies clefs dans le second.

Enfin, notre modèle d’inclusion sociale doit être repensé pour donner aux français les assurances qui solidifieront durablement la consommation. La France a désormais compris en grande partie ce qui ne marche pas. Plus clairs sur ce qu’il faut enlever, nous restons flous sur ce qui peut le remplacer efficacement à l’avenir : Comment assurer un minimum de pouvoir d’achat sans reposer sur un salaire minimum destructeur d’emploi ? Comment soutenir le risque entrepreneurial sans ruiner l’assurance-chômage ? Là encore nous pourrions ouvrir une nouvelle voie au reste du monde : l’augmentation de l’inégalité des possibles, le ralentissement de l’ascenseur social et la création de «  rentes 2.0 » sont des réalités mondiales. Certains proposent de les traiter par une taxe sur les hauts revenus. Si l’on exclut de  taxer ces rentes, on doit éviter qu’elles ne se créent : politique de concurrence, démocratisation de l’usage de la technologie, accompagnement des opportunités offertes aux plus modestes,...

A ces conditions, la France pourra passer d’une situation de rattrapage, focalisée sur la réparation des maux qu’elle s’est infligée à elle-même, à une position d’éclaireur, focalisée sur les réformes qui préfigurent l’avenir et nous placeront  à l’avant-garde économique et sociale.


Vincent Champain est cadre dirigeant et président de l’Observatoire du Long Terme, think tank dédié aux enjeux de long terme.

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire