samedi 3 juin 2017


Si les émissions de gaz à effet de serre de l’UE28 ont baissé de 23% entre 1990 et 2014[1], celles du secteur des transports ont augmenté dans le même temps de 20%, faisant de ce secteur le plus gros défi climatique que l’Europe devra relever dans les années à venir. Et ce malgré la diminution constante des consommations unitaires des véhicules depuis 20 ans, qui ne réussit pas sur la durée à compenser l’augmentation du parc. L’adoption rapide de nouvelles solutions est d’autant plus urgente que la baisse soudaine des nouvelles immatriculations de véhicules légers diesel au profit de l’essence, 20% plus émetteur de CO2, pourrait encore aggraver le phénomène.


Émissions de gaz à effet de serre par secteur, EU-28, 1990 et 2014 (Eurostat)

Les énergies qui permettront d’inverser la tendance sont connues : l’électrique, le gaz et à plus long terme l’hydrogène constituent les seules alternatives crédibles. Le véhicule 100% électrique pour les trajets quotidiens semblent avoir séduit un grand nombre de décideurs politiques pour ses très faibles émissions de CO2 et de polluants. Mais le coût total d’utilisation reste élevé, et le temps de recharge n’est pas adapté certains usages comme les trajets longs. L’hydrogène est prometteur mais doit encore réduire ses coûts - encore beaucoup trop importants.

Un bilan carbone du gaz carburant meilleur que le diesel

Le gaz vit quant à lui une véritable renaissance, alliant un cout total intéressant et un surcoût des véhicules modéré. Selon l’association NGVA Europe[2], l’utilisation du gaz dans le secteur des transports permettrait[3] des réductions de CO2 de l’ordre de 23% par rapport à l’essence et de 7% par rapport au diesel pour les véhicules légers, et de 16% par rapport au diesel pour les poids-lourds. Le gaz réduit par ailleurs d’autres polluants comme les particules fines.
Ces réductions peuvent être portées à 80% avec du biométhane, du gaz issu de la fermentation de matière organique. Ces estimations sont basées sur une comptabilisation globale des émissions selon une approche dite du « Puits-à-la-Roue », qui prend en compte les émissions de CO2 du véhicule mais aussi de l’ensemble des maillons permettant d’apporter l’énergie à ce même véhicule.

En ce qui concerne les véhicules mis sur le marché, on assiste aujourd’hui au développement de deux marchés distincts. D’un côté une demande de plus en plus importante pour le marché des poids-lourds, tirée par les acteurs de la grande distribution qui anticipent les futurs dispositifs d’amélioration de la qualité de l’air comme les zones à circulation restreinte. La France qui représente actuellement le plus gros marché européen pour ce type d’utilisation, le gaz permettant aux transporteurs routiers de diminuer leur empreinte carbone, leurs émissions de polluants tout en maitrisant leur compétitivité.



De l’autre côté, l’Allemagne ou l’Italie développent le gaz principalement pour les véhicules légers. D’une part parce que leurs constructeurs nationaux respectifs offrent déjà des motorisations gaz dans leur catalogue. D’autre part parce que le réseau de stations est en place, ce qui permet d’envisager une poursuite du développement du gaz, et ce pour une raison bien précise.

En février 2014, le parlement européen adoptait une réglementation imposant aux constructeurs automobiles des émissions moyennes de 95gCO2/km à partir de 2021 dans chacun des états membres, sous peine de se voir infliger des pénalités pour les émissions excédentaires. Un développement rapide du véhicule électrique et quelques améliorations supplémentaires sur les motorisations diesel devaient leur permettre d’atteindre cet objectif. Quelques années plus tard, les objectifs de vente de véhicules électriques sont loin d’être atteints (l’Allemagne a récemment tiré un trait sur son objectif d’un million de véhicules électriques en 2020).

« Puits-au-Réservoir » + « Réservoir-à-la-Roue » = « Puits-à-la-Roue »

Une solution pour remplir cet objectif d’émission de CO2 consisterait non pas à renégocier le seuil, mais plutôt à repenser son mode de calcul. Les émissions sont aujourd’hui déterminées selon une approche dite du « Réservoir-à-la-Roue », qui quantifie l’impact climatique d’un véhicule uniquement sur la base du CO2 rejeté par ce véhicule. Or les chaines de production, de transport et de distribution des énergies en amont du réservoir (ou de la batterie) des véhicules sont elles-mêmes plus ou moins émettrices de CO2, et une juste comptabilité de l’empreinte carbone devrait intégrer l’ensemble de la chaine amont dite du « Puits-au-Réservoir ».

L’application de ce principe au biométhane est emblématique : alors qu’avec une approche du « Réservoir-à-la-Roue » un véhicule gaz rejette en moyenne 118gCO2/km quel que soit l’origine du gaz (fossile ou renouvelable), une approche globale du « Puits-à-la-Roue » conduit à 131gCO2/km avec du gaz d’origine fossile ... et 30gCO2/km avec du gaz d’origine renouvelable.



La clef de cette équation réside évidemment dans le développement de la filière de production de gaz renouvelable en Europe. En France, le potentiel de production de biométhane est important : le gisement mobilisable sur le territoire national d’ici 2030 est estimé à 56TWh/an[4], soit deux fois plus que les prévisions de consommations de gaz carburant à cet horizon. Bref rien ne s’oppose à ce que l’on « mette les gaz » dans les transports !

Vincent Rousseau & Vincent Champain pour l'Observatoire du Long Terme


[1] Selon Eurostat, les émissions globales de CO2eq sont évaluées à 5 735,1 Mt en 1990 et à 4 419,2 Mt en 2014.
[2] Natural Gas Vehicle Association for Europe
[3] http://ngvemissionsstudy.eu
[4] Panorama des gaz renouvelable – Année 2016

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