mardi 14 février 2017

Publié dans Les Echos

A l’issue de la primaire, Benoit Hamon s’est distingué par un style direct et apparemment sincère, ainsi que par deux propositions phares : le revenu universel et la taxation des robots. Elles peuvent sembler séduisantes. Si l’on va vers la fin du travail et plus de non-salariés précaires augmente, alors il faut détacher la protection sociale du contrat de travail. Et si ce sont les robots qui créent la valeur ajoutée qui se partageaient auparavant les salariés, pourquoi pas les premiers plutôt que les seconds ?

Malheureusement, le diagnostic sur la fin du salariat ne se retrouve pas dans les statistiques. Sur une décennie, la part de l’emploi non salarié a diminué de 7,6 à 6,5% aux Etats-Unis, pourtant plus en avance que nous en matière de plateformes numériques, et de 17,8% à 15,8% pour les pays de l’OCDE. 



En outre, l’application du modèle « Uber » à des relations d’emploi plus durables que le taxi, comme les emplois à domicile, s’est soldée par des échecs. Comme le contrat de mariage, le contrat de travail traduit ce que les économistes appellent des coûts de transaction : il est plus rationnel de faire un choix une bonne fois pour toutes, afin de bénéficier des avantages d’une relation stable et de confiance, que d’encourir le risque et les efforts de refaire ce choix tous les jours. Or le numérique ne réduit fortement ces coûts de transaction que dans certains cas.

Par ailleurs, s’il est utile de déconnecter notre protection sociale du salariat, c’est possible sans pour autant créer un « droit à la paresse » moralement et financièrement insoutenable. Des solutions comme le revenu universel d’activité, étudié par l’Observatoiredu Long Terme, peuvent le permettre. On peut comprendre qu’une motion de congrès, ou, à la rigueur, qu’une primaire se gagne, à gauche ou à droite, sur des orientations imprécises mais séduisantes. Mais sauf à penser que les promesses politiques n’engagent que ceux qui y croient, on est en droit d’attendre que le candidat, une fois désigné, investisse son capital de sympathie sur des solutions plus précises, finançables et efficaces.

La taxe sur les robots va un cran plus loin en matière d’idée séduisante mais contreproductive. L’investissement en capital permet de rendre les salariés plus productifs : équipé d’un robot ou d’une machine performante, un ouvrier pourra produire plus et compenser les écarts de coût du travail. C’est ainsi que l’on développera les fameux emplois qualifiés à valeur ajoutée. Réduire cet investissement, c’est ne laisser à l’ouvrier que sa productivité manuelle face à des centaines de millions de personnes dans le monde coûtant dix à cent fois moins cher. Et taxer l’investissement, c’est en réduire doublement les montants investis : les entreprises présentes investiront moins, et celles qui envisageaient de se développer en France choisiront des cieux plus cléments ailleurs en Europe.

Les faits confirment ces évidences, et les analyses présentées sur le site de l’Observatoire du Long Terme sont sans appel. D’abord, la France ne fait pas partie du peloton de tête en matière de robots industriels. Selon l’International Federation of Robotics, nous avions en 2015 près de 60% de robots de moins que l’Allemagne par emploi industriel. 



Ensuite, les pays qui utilisent le plus de robots sont ceux qui ont la croissance la plus élevée. 



Enfin, cette corrélation s’accélère : elle est deux fois plus forte de 2005 à 2015 qu’elle ne l’était de 1995 à 2005. 


Taxer les robots accentuerait encore notre écart et réduirait mécaniquement la richesse par habitant de notre pays. Pour éviter que cela ne réduise également l’emploi industriel, il faudrait engager une politique fortement protectionniste, très éloignée de la promesse d’ouverture proposée par le candidat lors de primaire.

L’Observatoire du Long Terme n’a jamais eu vocation à prendre parti pour ou contre un candidat. En revanche, il a été créé pour apporter dans le débat public des éléments factuels visant à éclairer les enjeux de long terme. Or, en ce qui concerne le lien entre le coût de l’investissement, son niveau et la valeur ajoutée des emplois induits, les faits parlent d’eux-mêmes. Souhaitons que le débat permette aux candidats d’en tenir compte pour affiner leurs propositions.



0 commentaires:

Enregistrer un commentaire