Publié par La Tribune
Alors qu’il y a peu, le directeur générale de Microsoft - Satya Nadella - se mettait à dos ses employés à la suite d’un commentaire déplacé au sujet des différences des genres au sein de l’entreprise, les géants de la Tech Facebook et Apple rebondissent sur l’occasion pour annoncer presque simultanément un support financier aux femmes de leurs entreprises pour retarder leur grossesse à travers la congélation d’ovules. Cette action permettrait aux femmes d’évoluer dans leur carrière professionnelle sans être bousculées par l’horloge biologique.
Bien que les entreprises
technologiques soient connues pour prendre soin de leurs employés en améliorant
leur environnement de travail (par exemple, en installant des salles de
massage sur le campus Google ou un pressing dans celui de Microsoft), l’aide
au retardement de la maternité va nettement plus loin et soulève un débat très
controversé.
Un support et une reconnaissance
de la difficulté des femmes à allier maternité et vie professionnelle ?
Oui – mais pas que. De nombreuses réactions ont noté le caractère intéressé de
cette offre puisqu’il s’agirait de donner aux femmes les cartes pour dédier les
années les plus productives de leur vie à leur entreprise. Cette aide s’inscrirait donc dans une logique
de « retour sur investissement » pour les entreprises masquée d’une
apparente préoccupation sur l’amélioration du développement professionnelle des
femmes.
La congélation d’ovule est une
procédé médical relativement onéreux puisqu’il coûte environ 10 000 dollars plus
500 dollars annuels pour la conservation des ovules dans des conditions
adéquates. Mais Apple propose également d’autres soutiens financiers dans ce
domaine – notamment un « Programme d’assistance pour les adoptions »
qui proposerait aux femmes une aide financière pour subvenir aux frais relatifs
à l’adoption d’enfants.
Cette innovation apparaît comme
une nouvelle tendance dans le monde technologique et les concurrents pourraient
être amené à repenser les avantages de leurs employés dans cette même direction. Donner l’opportunité aux femmes
de retarder leur grossesse pour organiser plus facilement leur carrière
professionnelle pourrait être un tournant dans la relation salariés-entreprises mais
aussi dans la conception de la maternité qui deviendrait officiellement une "variable d'ajustement" de la vie professionnelle. Mais au passage, cette mesure ouvre la voie à la
« banalisation » de la congélation d’ovocyte, susceptible de poser au
passage de nombreuses questions éthiques (utilisation des ovocytes en cas de
décès, possibilité de « choisir » dans la banque d’ovocyte,…).
Comment s'assurer qu'on n'est pas en train de jouer aux apprentis-sorciers ? Il serait aussi absurde de
refuser en bloc cette technique sans analyser précisément ses bénéfices, que de
la banaliser sans examen sérieux des questions éthiques posées – c’est-à-dire mieux
analyser l’ensemble des conséquences et le type de société vers lequel nous
emmène cette pratique - et les précautions permettant d’y apporter une réponse
humainement acceptable. Et comme souvent, la technologie n’attendra pas que
nous ayons ouvert ce débat : qu’on le veuille ou non, des femmes
françaises se rendent déjà à l’étranger pour avoir recours à cette pratique.
Laura Ghebali pour le pôle « Technologie et innovation »
de l’Observatoire du Long Terme
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