lundi 22 septembre 2014



Par Vincent Champain, Thomas Rabier, Jeanne Lubek et Aymeric Petetin de  l’Observatoire du Long Terme (http://www.longterme.org)


L’Europe atteint certes ses objectifs de réduction des émissions de CO2 actuellement, mais les raisons en sont peu pérennes : la faible croissance en explique une grande partie. Pour réduire durablement les émissions de CO2, il faut que le CO2 coûte à celui qui l’émet et rapporte assez à celui qui évite d’émettre. Trop complexe, et inexistant hors d’Europe, le système de quotas d’émissions échoue à remplir cet objectif. De ce fait, le monde sous-investit dans les technologies permettant de réduire les émissions à un coût faible, ce qui nous coûtera très cher à terme.

L’Europe devra donc renouveler en profondeur sa stratégie et ses outils. Or cette nécessité se heurte à la fois à un contexte économique difficile et à une situation politique moins favorable aux ambitions européennes depuis les dernières élections.

Dans ce contexte, les analyses menées par l’Observatoire du Long Terme, pointent l’intérêt de développer « l’espace énergétique franco-allemand ». Certes, les deux pays ont des visions différentes sur certains sujets, par exemple sur la place du nucléaire ou du charbon dans leur mix énergétique. Mais ils peuvent rendre l’articulation de leurs marchés plus efficaces – par exemple, en coordonnant mieux leurs marchés dits « de capacité et de flexibilité » destinés à éviter les coupures.

Ensuite, un mécanisme d’incitation aux technologies telles que le stockage ou l’efficacité énergétique pourrait être créé. Il  ne s’agit pas ici de dépenser plus, mais de dépenser mieux, en laissant leurs chances à toutes les technologies (renouvelables, stockage, efficacité, réseaux intelligents…) pour concentrer l’argent là où il permet d’obtenir le prix par tonne de co2 évitée le plus bas,.

Les investissements dans les infrastructures pourraient également être mieux coordonnés, afin d’anticiper les futurs écarts entre la demande et les capacités de production à moyen terme, et de réaliser les investissements sur les réseaux qui s’en déduisent. Cette coordination serait profitable : par exemple, une installation solaire installée dans le Sud de la France plutôt qu’en Allemagne, sera plus rentable. A l’inverse, d’autres projets - biomasse ou éoliens - seraient plus efficaces en Allemagne. Une coopération permettant « d’échanger » des projets permettrait donc d’avoir plus d’énergie renouvelable pour moins cher.

D’autres coopérations sont possibles s’agissant de l’efficacité active, pour rendre la demande plus intelligente et consommer quand l’énergie est moins chère, notamment pour harmoniser les normes. Il en va de même pour l'efficacité passive : identification de bonnes pratiques, formation des artisans du bâtiment… L’actualité nous rappelle enfin l’intérêt de stratégies conjointes de sécurisation des ressources (gaz notamment).

Ensemble, France et Allemagne pourraient aussi mieux informer leurs citoyens. De nombreuses décisions liées à la transition ont été adoptées sans études scientifiques d’impact. Les risques imputés à l’énergie (charbon et nucléaire notamment) sont à l’origine de décisions lourdes, qui ont rarement été assorties d’études  scientifiques comparant risques et coûts de ces énergies, et analysant les technologies permettant de les mitiger. Une meilleure connaissance des perspectives d’évolution de ces coûts serait fort utile pour mieux cibler le soutient aux technologies innovantes. Réalisées dans un cadre franco-allemand, ces études seraient moins suspectes de partialité.

En revanche, il sera  difficile de concilier une vision latine de la stratégie industrielle, qui n’exclut pas l’intervention dans la gouvernance ou au capital des entreprises, et une vision anglo-saxonne focalisée sur la compétitivité, et excluant les interventions publiques directes. C’est particulièrement vrai en Allemagne, dont une partie de la classe politique s’est construite à l’Est sur un rejet des excès de l’intervention publique et se refuse à intervenir dans des décisions d’entreprises.


Avant d’envisager un « Airbus » de l’énergie, dont l’idée même est étrangère à nos partenaires, c’est donc plutôt d’abord à la création d’un « espace énergétique commun » qu’il faut songer.

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