lundi 15 septembre 2014

Article publié sur le Huffington Post



Le rapport sur le climat remis samedi 8 septembre à Ségolène Royal et basé sur les conclusions du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) rappelle une nouvelle fois qu’il y a un consensus scientifique large sur le changement climatique et qu’il est urgent d’agir. Il pose aux décideurs politiques une question simple : comment éviter à nos enfants les conséquences irréversibles d’une hausse de 3 à 5 degrés des températures du globe à la fin de ce siècle ?

Si ce consensus est constant, les politiques quant à elles varient fortement avec le temps et l’espace : la taxe carbone a été abolie en Australie,  le prix de rachat de l’énergie renouvelable en France a subi des modifications régulières, les émissions liées au charbon sont en hausse en Allemagne… Cette grande instabilité qui rend la question du dérèglement climatique encore plus confuse pour les citoyens et offre un contexte peu propice aux investissements.

L’essentiel de cette instabilité a deux origines. La première, tient à des « erreurs de design » des marchés de l’énergie : un marché ne fonctionne que si tout ce qui compte pour les citoyens a un juste prix. Or réduire les émissions de CO2 – critique pour limiter le réchauffement climatique – a toujours un prix proche de zéro partout dans le monde. Bien loin en tout cas du prix de 30 à 40 $ la tonne qui est le coût estimé des « dégâts » pour l’humanité induits par les émissions de CO2.

Certains pays ont suppléé à l’absence de prix du CO2 par des aides aux énergies renouvelables. Si le principe est pertinent, la mise en œuvre a été discutable : au lieu de subventionner sur la base d’un prix par tonne de CO2 évitée qui aurait clairement indiqué aux entreprises l’objectif visé, on a développé tous les renouvelables même les plus coûteux. Au total, le coût en France de la transition pour les consommateurs est le double de ce qu’il aurait été avec une politique ciblée sur les renouvelables les moins chers. Au passage, on a donné l’impression aux industriels qu’il est aussi utile de faire du lobbying pour que sa technologie soit subventionnée, que d’investir en R&D pour amener ses produits à des niveaux économiquement pertinents. Insoutenables à moyen terme, ces politiques ont fait l’objet de modifications régulières et déstabilisatrices pour les investisseurs.  On a ignoré l’économie, mais elle s’est rappelée à nous !

Le deuxième problème tient au caractère mondial du réchauffement climatique : la Chine réalise 25 % des émissions mondiales, les USA 16 % et l’Eurozone moins de 8%.  Toute solution purement nationale posera des problèmes de compétitivité qui la rendront insoutenable à long terme. Mais les pays en développement estiment que leur effort doit être modéré, les pays riches ayant émis sans contrainte durant leur révolution industrielle. Par ailleurs, les opinions sont divisées : 93% des Chinois pensent que le réchauffement climatique a une origine humaine, contre 72 % des Allemands ou 54 % des américains[1].

La Conférence de Paris 2015 sera un moment crucial pour définir un consensus mondial sur le climat. Faute de consensus, les pays qui mettront en place un prix du CO2 devront également de créer une taxe sur le CO2 importé, afin de s’assurer que les importations des produits intensifs en carbone payent le même coût du CO2 que les produits nationaux. Une telle taxe donnera un message clair aux autres pays : dotez-vous aussi d’un prix du carbone ou vos exportations financeront notre taxe.


Les politiques climatiques ont généré complexité et instabilité parce qu’elles manquent d’une vision économique et mondiale. Or, pour atténuer l’impact des hausses de température sans nous appauvrir, nous devrons innover pour produire autant en émettant moins. Ces innovations nécessitent à la fois un effort public de recherche et des investissements privés de R&D. Et le privé n’investira suffisamment que si le contexte est clair, stable et si ses succès sont rémunérés à hauteur de leur contribution à la réduction des émissions.

Faute d’avoir donné un cadre favorable aux investissements, la principale erreur des politiques climatiques est donc d’avoir asphyxié les innovations qui auraient été nécessaires pour abaisser le coût de la transition climatique. Pour les membres de the Alliance for the Transition Through Innovation (contact@ttialliance.org), impliqués dans l’innovation verte dans tous les secteurs et toutes les régions du monde, il est temps d’inverser cette tendance.

Vincent Champain et Sarah Grissa, président et membre de l'Observatoire du Long Terme (http://longterme.org)
Isabelle Mas, vice-présidente de CLAI

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